Saâdiya A.
On ne peut pas juste peindre les murs et se dire que tout va bien. Beaucoup de choses ont régressé à Tiznit, et d’autres avancent avec une lenteur déconcertante. Pendant la rencontre, nous avons dit que nos priorités sont la santé, l’emploi et l’enseignement juste parce qu’il fallait prioriser, mais sinon nous avons des problèmes qui touchent tous les aspects de la vie quotidienne. On se réveille à 6h du matin pour aller à l’hôpital et une fois arrivés, le seul interlocuteur est l’agent de sécurité. Pourquoi on ne peut pas avoir en face un infirmier, un médecin, un vrai bureau d’accueil ? Pourquoi sommes-nous reçus par un agent qui ne doit pas assurer cette fonction et qui se comporte de manière odieuse? Pourquoi faut-il nécessairement avoir un piston pour avoir droit aux soins ? Nous avons les bâtiments qu’il faut, un corps médical, mais nous n’avons pas de considération pour le citoyen ! On prie Dieu pour ne pas tomber malade. Pas parce que nous avons peur de la maladie, mais parce que nous avons peur de l’hôpital ! On prie pour ne pas tomber entre les mains d’un médecin qui ne va pas nous donner toute l’attention qu’il faut. Le fameux adage “Mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens chez nous ! A Tiznit, il y a un peu de tourisme et d’artisanat, en particulier les bijoux en argent, mais ça reste insuffisant pour avoir des opportunités de travail pour tout le monde. Et lorsqu’on n’a pas une source de revenus qui garantit une certaine dignité, on ne peut pas apprécier le goût de la vie.
Pourtant, il y a une chose qui fait chaud au cœur. Ce sont les coopératives. De tout genre : agricoles, touristiques, ou encore des coopératives de sensibilisation. Je suis proche de certaines coopératives féminines et je suis heureuse de voir à quel point elles sont solidaires. Elles défendent leurs projets et se battent pour trouver du soutien avec une persévérance qui les aide à surmonter les contraintes. Et les citoyens jouent le jeu de leur côté et les encouragent en privilégiant leurs produits. Il faut dire aussi que c’est parce qu’ils sont sûrs de leur qualité !
Je pense que c’est ça la solution finalement. Tout le monde doit participer au changement. Désormais, il n’est plus possible de rester assis sur le banc de touche et distribuer les remarques et les plaintes. C’est bien de commenter sur les réseaux sociaux mais à un moment, il faut passer à l’action. Les jeunes doivent aller vers les centres de formations, se faire encadrer par les partis politiques, pour faire partie de la dynamique du changement. Si on passe son temps à parler sans faire le moindre pas en avant, il ne faut pas s’étonner après de voir qu’on n’a pas progressé !
Ville incontournable sur la route du grand Sud marocain, Tiznit fut la 23e étape de la caravane des Indépendants. Très intéressés par l’initiative, plus de 550 habitants sont venus discuter du présent, mais aussi du futur de leur commune.
Les participants ne tarissent pas d’éloges sur l’histoire de la ville et sa forte identité amazighe, qu’ils espèrent voir rejaillir dans leur quotidien et créer de la valeur. Il est important pour eux de valoriser le patrimoine culturel, ainsi que l’artisanat, dont ils sont très fiers, afin de développer le tourisme et le commerce.
Tiznit peut en effet exploiter davantage ses ressources locales, telles que le travail de l’argent ou encore l’éco-tourisme responsable. Car, jusqu’à présent, l’activité est faible et Tiznit est de plus en plus marginalisée. Avec un taux de chômage en augmentation et très peu de projets en cours, la population s’inquiète et la jeunesse tend à émigrer pour trouver du travail. Annoncée, la nouvelle zone industrielle tarde à se concrétiser. Les habitants espèrent que ce projet et celui de la voie express Tiznit-Dakhla vont relancer la ville et la positionner comme la porte de l’Anti-Atlas.
Beaucoup de critiques sont liées aux infrastructures, à commencer par celles de la santé. Les habitants estiment que l’hôpital de la commune est mal exploité et peu entretenu, en raison du manque de personnel, mais aussi de sa mauvaise gestion. Le service de maternité, par exemple, n’est que peu opérationnel. Le favoritisme dans le traitement des patients rend les consultations complexes pour les citoyens, et plus difficiles encore pour les bénéficiaires du Ramed qui sont souvent négligés.
Les établissements scolaires sont eux aussi visés par les participants : les équipements apparaissent insuffisants pour les élèves et les enseignants sont fréquemment absents. De plus, peu de moyens de transport permettent de se rendre dans les écoles, freinant la scolarisation des enfants qui vivent dans des zones éloignées. Enfin, les habitants regrettent le manque de formations supérieures, qui ne laisse d’autres choix aux étudiants que de quitter la ville ou d’abandonner leurs études.