Najoua B.
Je suis née et j’ai grandi ici, mais comme beaucoup de jeunes de la ville j’ai dû partir ailleurs pour poursuivre mes études, parce que les possibilités de formations sont très réduites à Tiflet. Pas d’universités, ni d’écoles supérieures. Quand on obtient son bac on se retrouve obligé de quitter la ville et on doit affronter les difficultés liées aux transports et à la location à Khémisset, Kénitra ou Rabat. Et les coûts sont parfois exorbitants. J’avais demandé la bourse et une chambre à l’internat universitaire mais je n’ai obtenu ni l’une ni l’autre. Actuellement je travaille, et j’aurai voulu me consacrer à mon boulot la journée et continuer ma formation à travers des cours du soir mais ce n’est pas possible. Même pour une formation en langues étrangères, il faut la chercher ailleurs. C’est dommage pour une ville qui regorge de jeunes talents et qui a donné auparavant naissance à des médecins, des avocats, des ingénieurs, des professeurs universitaires.
Le souci est que même ceux qui partent étudier et reviennent avec des idées de projets butent sur les contraintes. Nous ne demandons rien d’autre que l’assouplissement des procédures administratives, pour qu’on nous évite les allers retours inutiles. On aurait souhaité l’agrandissement du quartier industriel et qu’on attire de nouveaux investisseurs. A Tiflet il n’y a même pas de grandes surfaces commerciales, alors qu’on a du foncier disponible. C’est un secteur qui peut créer de l’emploi, et on évitera aux gens d’aller à Rabat ou Kénitra pour faire leurs achats. Une partie de la population dispose d’un pouvoir d’achat correct et cherche des produits de qualité mais ne les trouve pas. Certains d’entre eux se tournent alors vers l’achat en ligne.
A Tiflet, nous avons un grand hôpital mais qui manque d’équipements, et le nombre de médecins est insuffisant. On peut y aller et être tordu de douleurs et ne pas trouver un médecin pour nous prendre en charge. Ou bien y aller et trouver que le scanner ou l’échographe sont en panne. Et en plus on ressent un manque d’attention envers le citoyen.
Le budget dont dispose la ville doit aller vers les priorités des citoyens. La route a été refaite de l’entrée jusqu’à la sortie de Tiflet, mais est-ce que c’est suffisant ? C’est tout ce dont on a besoin ? Non ! Nous manquons encore de beaucoup de choses.
Le 31 août 2020, c’est la ville de Tiflet qui a reçu la caravane virtuelle des Indépendants. Quelques dizaines d’habitants se sont ainsi connectés en visioconférence pour échanger avec plusieurs responsables politiques. Ils racontent que la commune dispose de nombreux atouts, mais que les citoyens en profitent peu.
Située à une cinquantaine de kilomètres de Rabat et desservie par l’autoroute menant à Fès, la ville jouit d’un emplacement stratégique. D’un côté, elle possède un statut de centre administratif, hérité de la période coloniale, de l’autre, elle est un lieu de commerce important pour les localités rurales de la région. Les agriculteurs viennent y échanger le produit de leurs récoltes : par exemple, la graine de semoule de Tiflet, réputée dans tout le Royaume, fait la fierté de ses habitants. Cependant, malgré cette spécialité et l’installation de l’unité industrielle d’Ain Jawhara, les participants déplorent le manque de retombées économiques pour la commune, où les opportunités de travail sont encore rares. Tous espèrent que des efforts pourront être réalisés pour mieux exploiter le potentiel de la région.
Le thème de la santé a été longuement abordé durant la réunion. L’hôpital est fortement critiqué, car il manque d’équipements et de personnels médicaux. Les habitants signalent également le peu d’ambulances et l’absence d’un service des urgences, qui les préoccupent particulièrement.
Enfin, le secteur de l’éducation préoccupe également les participants. D’une part, les établissements scolaires sont mal desservis, avec des classes surpeuplées qui nuisent à l’apprentissage des élèves. D’autre part, l’offre d’enseignement supérieur est pauvre et les étudiants doivent souvent faire leurs études dans d’autres villes, ce qui pèse sur le budget de leur famille. Ainsi, un grand nombre d’entre eux se résignent à abandonner leurs projets universitaires.