El Houcine B.
La ville n’a pas une identité claire ! Pas de vision pour le futur non plus ! On ne sait pas si on veut juste continuer à attirer du monde pour travailler dans les domaines agricoles de la région ? Est ce qu’on veut diversifier l’activité économique ? Est ce qu’on veut un rayonnement culturel ? On n’a fait aucun effort pour construire l’image de la ville, alors quand on parle de Biougra ailleurs, personne ne sait où elle se trouve ! Biougra vient de “Bi Goura” qui veut dire “Celle qui a des portes” mais malheureusement, les deux portes principales de la ville ont été détruites. L’architecture de la ville ne raconte pas son histoire et ne respecte aucune esthétique.
En tant que chef-lieu de la province Chtouka Ait Baha, Biougra devrait disposer de tout ce qui caractérise une ville moderne, avec des avenues propres, des équipements, une activité culturelle et sportive de qualité, mais on n’a rien de tout ça ! Nous avons droit au strict minimum en termes de services. En d’autres termes, nous avons accès à l’eau, l’électricité et à un petit débit d’Internet.
D’un autre côté, nous avons des routes dégradées, des problèmes d’eaux usées et d’éclairage public, nous avons des structures culturelles qui ne correspondent pas à nos ambitions et un manque de terrains sportifs de proximité ! Nous n’avons pas non plus de crèches et nous déplorons le manque d’infrastructures au niveau du quartier industriel, du marché hebdomadaire même s’il connaît une grande affluence, et également dans quelques quartiers comme Souama ou Derb Gnaoua.
La majorité des personnes qui vivent ici travaillent dans les domaines agricoles avoisinants. Ces gens-là, il faut leur donner un minimum de considération et respecter leur dignité. Il leur faut d’abord un service de transport : on ne fait que les mettre dans des pick-ups. C’est humiliant ! Il leur faut aussi un habitat décent et des logements sociaux. On a eu un seul projet économique ici. Rien de plus. Et puis l’autre souci maintenant c’est qu’il faut passer par des intermédiaires pour travailler, et dans le noir ! Je me demande aussi pourquoi il n’y a aucune offre de formation en agronomie dans une région qui vit de l’agriculture ? Nous avons un centre de formation professionnelle qui propose trois ou quatre spécialités uniquement et aucune annexe universitaire dans cette ville, chef lieu de la province ! Sur le plan de la santé, nous avons des quartiers qui comptent plus de 10.000 habitants et qui n’ont pas de dispensaire. Résultat : tout le monde s’entasse à l’hôpital Mokhtar Soussi. Ce n’est pas viable !
Deuxième étape de l’initiative 100 Villes, 100 Jours, Biougra a fait bon accueil aux Indépendants. Ce sont 400 citoyens qui sont venus débattre de la situation actuelle et des perspectives de la ville. Les sujets abordés furent nombreux, tant la commune connaît des difficultés, en dépit de son développement récent.
Très attachés à leur culture amazighe, les habitants sont soucieux de préserver leur patrimoine. Ils apprécient le calme et la sécurité des lieux, mais souhaiteraient une amélioration des infrastructures, notamment sanitaires.
Il y a beaucoup à faire dans le secteur de la santé. Le seul hôpital Mokhtar Soussi ne suffit pas pour une ville aussi grande. Son équipement est très limité, le personnel médical est insuffisant et il ne compte aucun service de réanimation. Beaucoup d’habitants critiquent les soins qui y sont pratiqués et dénoncent la corruption, qui laisse de côté les plus démunis.
D’un point de vue économique, la situation préoccupe tout le monde. Malgré le développement de la ville, le taux de pauvreté reste très élevé et les opportunités de travail sont peu nombreuses. Les participants évoquent le besoin d’une nouvelle zone industrielle et la nécessité de mieux exploiter le secteur agricole, dont ils sont très fiers. Pour cela, il faudrait soutenir les initiatives locales, mais aussi offrir de meilleures conditions aux travailleurs qui viennent de loin : pour le moment, ils n’ont ni logements corrects, ni moyens de transport adaptés. En outre, plusieurs personnes regrettent que certaines entreprises ne respectent que très peu la législation du travail.
L’éducation est aussi citée parmi les problèmes de Biougra. Avec des classes de plus de cinquante élèves, les écoles publiques ne peuvent pas faire face à la situation et les écoles privées se multiplient. Les enseignants manquent de moyens et sont souvent critiqués par les parents, qui regrettent leur faible implication. Tous sont conscients que le niveau se dégrade et que des efforts sont nécessaires pour augmenter la capacité des écoles.