Mohamed B.
Beaucoup de choses me désolent : pas d’espaces verts, trop de marchands ambulants qui bloquent la circulation et entachent l’image de la ville, une maison des jeunes quasiment inactive, l’encombrement dans les écoles, etc. Nous avons uniquement deux lycées et aucun des deux ne propose de filières techniques. Malheureusement, les monuments historiques ne sont pas valorisés et on ne s’en sert pas pour attirer les touristes. Comme par exemple le palais Moulay Hicham qui est abandonné. Aucun effort de sauvegarde n’a été fait ! Et même s’il y a des sites naturels dans la région, on ne fait pas d’efforts pour les mettre en valeur. On pourrait pourtant créer des circuits touristiques pour faire connaître la région. L’hôpital de proximité est avant tout un hôpital “d’éloignement” ! Parce que lorsqu’une femme y va pour accoucher, on l’envoie directement à Kelaa Sraghna. Les bâtiments sont là, mais je pense que c’est plutôt un manque de ressources humaines. Sans parler des ambulances, pour lesquelles on te demande d’abord de payer avant de te transporter. Nous n’avons pas de projets qui créent suffisamment d’emploi pour les jeunes, alors 80% voire 90% d’entre eux quittent la ville. Ils vont à Casa ou à Tanger. Ceux qui restent tentent de travailler dans l’agriculture ou le bâtiment en tant que journaliers, de manière informelle et sans aucune stabilité. Et puis, même si la région est connue pour l’huile d’olive et l’amande, l’agriculture a besoin d’une industrie agro-alimentaire. Alors, moi par exemple, j’ai étudié ici, mais là je travaille à Marrakech de manière saisonnière, parce que je sais que si je reste ici, je ne ferai rien de ma vie.
L’initiative 100 Villes, 100 Jours a démarré à Demnate, dans le Haut Atlas, le 2 novembre 2019. A l’occasion de cette première étape, 300 habitants sont venus échanger avec les Indépendants, afin d’évoquer la commune et son avenir. Point de rencontre entre le dir et la montagne, Demnate est une ville millénaire, réputée pour son calme, sa végétation luxuriante, ses noix, ses sites archéologiques, ainsi que sa poterie. Les Demnatis estiment être reconnus pour leur tolérance, leur vivre-ensemble et pour leur résistance face à la colonisation. Ils sont attachés à leur région et fiers de son patrimoine, mais ils regrettent le manque de dynamisme, d’équipements et d’infrastructures.
Au premier rang des problèmes soulevés, la santé est source d’angoisse pour la population. Les participants expliquent que les rares hôpitaux et dispensaires sont très mal équipés et qu’il faut souvent se déplacer dans une autre localité pour se faire soigner. De plus, certaines spécialités médicales sont absentes de Demnate, qui manque cruellement de médecins. Par ailleurs, plusieurs personnes déplorent que la carte Ramed ne soit pas prise en considération, obligeant ses bénéficiaires à payer leurs consultations ou à y renoncer.
Sur le plan économique, les citoyens soulignent le manque de projets pour développer la ville. Le taux de chômage est élevé, notamment chez les jeunes diplômés, qui doivent souvent quitter la région pour travailler. Demnate est réputée pour ses productions agricoles, telles que les piments, les noix et les amandes ou l’huile d’olive, et les participants ne comprennent pas pourquoi cela n’engendre pas plus d’activités industrielles. Même remarque pour le tourisme, qui est mal exploité par la commune, alors qu’il existe un patrimoine historique et naturel à faire découvrir. La grotte d’Imnifri et les paysages alentour sont notamment cités comme des atouts indéniables.
Autre thématique longuement abordée par les habitants, l’éducation rencontre de nombreuses difficultés. Les écoles publiques sont dépassées par le grand nombre d’élèves et la faiblesse des moyens mis à la disposition des enseignants. Tous semblent livrés à eux-mêmes. Les enfants qui viennent de loin prennent des risques en l’absence de transport scolaire, ce qui les conduit souvent à abandonner les bancs de l’école.