Farida
La chose la plus critique à Chefchaouen c’est le chômage des jeunes. Il y a un peu de tourisme l’été et un peu d’agriculture, quoique vous connaissez la culture répandue dans la région… Les légumes et autres aliments, on les ramène d’ailleurs. Ici, pour ne rien vous cacher, plusieurs agriculteurs plantent du cannabis parce qu’il leur assure un meilleur revenu que celui des olives, des grenades ou autres…
Il y a des initiatives pour pousser les agriculteurs à abandonner ces cultures, mais ça persiste encore. Moi je dis, pourquoi on ne lancerait pas un grand débat autour de la question de la légalisation du cannabis ? Qu’il y ait des statistiques pour savoir combien chacun a consommé, combien chacun a vendu…? Comme en Europe ! Là bas, ils l’utilisent pour fabriquer des médicaments, des produits cosmétiques et l’Etat aussi est gagnant à travers les taxes. Là, de toutes les manières, il continue à être vendu, donc si ça devient légal, ça évitera au moins les conflits qu’il y a autour. Actuellement beaucoup de terrains sont saccagés et les gens s’entretuent à cause de ça ! Nous avons un autre fléau à Chefchaouen c’est que nous avons un taux de suicide qui, je pense est plus important que dans les autres régions du pays à cause justement du chômage et de la consommation abusive de drogues. Il y a également le manque de personnel à l’hôpital et le phénomène des heures supplémentaires dans les écoles. Le point positif est qu’à Chefchaouen, nous avons un tissu associatif très développé que ce soit dans l’agriculture, l’artisanat, et la majorité fait un travail remarquable et aide vraiment la population. On l’oublie souvent mais le travail associatif peut aussi nous sauver.
De par la beauté des lieux, Chefchaouen est toujours une étape spéciale sur le parcours d’une caravane. Les 450 citoyens présents ont fait part, durant plusieurs heures, de la situation de la ville et ont accepté de se projeter en imaginant les contours de son avenir. Si les touristes y passent un séjour inoubliable, la Perle bleue du Maroc réserve, hélas, un sort moins heureux à ses habitants.
L’économie de Chefchaouen, en dehors du tourisme saisonnier, repose essentiellement sur l’agriculture vivrière. Toutefois, son élevage caprin et ses produits du terroir sont réputés, notamment grâce à son célèbre Jban. En revanche, l’industrie y est peu développée et le niveau d’investissement très faible. En conséquence, les opportunités professionnelles y sont rares.
Principales victimes de la situation, les jeunes de Chefchaouen se désespèrent et quittent la ville dès qu’ils le peuvent. Certains trouvent du travail dans d’autres régions, tandis que d’autres envisagent principalement une émigration clandestine. Pire encore, pour fuir leur quotidien, de plus en plus de jeunes consomment de la drogue et sombrent parfois dans la dépression.
Les problèmes liés à la culture du cannabis sont d’ailleurs soulignés par de nombreux participants : consommation incontrôlée, phénomène des fausses plaintes ‘chikayat kaydiya’ et abandon de cultures licites considérées comme moins rentables.
Autre grande thématique de la rencontre : la santé. Les habitants déplorent l’insuffisance du nombre de médecins, d’infirmiers et d’ambulances dans la ville, ainsi que le manque d’équipements à l’hôpital Mohammed V. De plus, le besoin d’un programme de prévention contre les addictions est clairement exprimé.
D’autres voix rappellent que les taux de déscolarisation et d’analphabétisme sont toujours très élevés à Chefchaouen, notamment chez les filles. Un système éducatif plus fort et plus juste est espéré pour donner à chacun l’opportunité de s’instruire et de préparer son avenir.