Ibrahim,
J’ai arrêté mes études après le Bac. Pour continuer, il fallait que j’aille à Tanger, parce qu’à Assilah, il n’y a pas de faculté et mon père ne voulait pas que sa fille aille seule étudier dans une autre ville. Aujourd’hui, mon fils est sur le point de décrocher son bac, et pour être sincère, moi non plus je n’ai pas envie qu’il étudie loin de moi et qu’il rentre chaque jour à neuf heures du soir. Maintenant, pour chaque chose, il faut aller à Tanger. Même pour accoucher de mon fils, j’ai dû aller à Tanger. Ici, nous avons un seul hôpital et quand il y a un cas urgent, ils ont peur parce qu’ils n’ont ni les médecins ni les équipements qu’il faut, alors ils nous demandent d’aller à l’hôpital Mohammed V de Tanger.
J’ai grandi en entendant des programmes et des promesses de changement et je vois que mes enfants grandissent en écoutant les mêmes promesses, les mêmes programmes… Une fois j’ai raconté à mon fils comment j’étais tombée dans un trou à l’école. Maintenant, il étudie dans la même école où j’étais, et sur le terrain de sport, il a retrouvé le trou où j’étais tombée. Le même. Toujours à sa place…
Il est vrai qu’Assilah est une ville touristique et culturelle mais nous ne voulons plus travailler qu’un seul mois par an. Et puis malheureusement, tout le monde ne profite pas des retombées du tourisme. Il nous faut des opportunités de travail pendant toute l’année. Malgré tout cela, j’ai encore de l’espoir, parce que je me dis qu’il y a des personnes qui veulent travailler et donner le meilleur d’eux mêmes pour ce pays, car eux aussi ont des enfants qui vont grandir ici.
La pluie battante n’a pas découragé les habitants d’Assilah, qui ont été nombreux à répondre à l’invitation des Indépendants. L’enthousiasme des citoyens pour cette ville touristique, propre et sécurisée, est perceptible immédiatement. Véritable carte postale de la côte Atlantique, où les vagues viennent s’écraser au pied des remparts de la medina, Assilah fait la fierté de tous.
Pourtant, son développement économique pourrait être plus rapide, selon les 500 participants présents. Il s’agirait pour cela d’être moins dépendant de Tanger et de dynamiser le tissu économique en attirant des investisseurs. Ici, on regrette souvent de voir les villes voisines saisir des opportunités qui auraient pu bénéficier à la cité balnéaire. Un sentiment d’abandon est parfois exprimé. L’équilibre entre les villes de la région apparaît comme un enjeu majeur pour l’avenir.
La grande offre touristique et culturelle dont dispose Assilah est considérée comme sous-exploitée. La Torre de Menagem, Bab Al Homr, Borj Krikiya, ou encore le Palais Raïssouli sont des atouts à valoriser pour attirer le public. De même, le Festival international de la culture d’Assilah, qui devait souffler sa 42ème bougie cette année, pourrait être développé à l’instar du festival Gnaoua d’Essaouira. Durant l’événement, des peintres et street-artistes du monde entier viennent exprimer leurs talents sur les murs blanchis à la chaux et pourraient bénéficier d’une plus grande visibilité. Une démarche touristique et culturelle plus structurée permettrait sans doute de créer des emplois stables pour les familles actuellement en difficulté.
Les services de santé sont également à améliorer. Par exemple, en raison des faibles infrastructures, de nombreuses femmes sont obligées d’aller à Tanger pour accoucher. Les conséquences peuvent être dramatiques, car la route est longue et le manque d’ambulances équipées rend le trajet périlleux. Plus généralement, la qualité des établissements de la ville et le coût élevé des médicaments sont des sujets de préoccupation pour les Zaïlachis.
Enfin, l’éducation suscite bien des attentes. Les écoles publiques ont besoin de moyens et l’absence d’enseignement supérieur amène les bacheliers à quitter Assilah pour étudier. Là encore, le manque d’indépendance de la ville est perçu comme un frein.