Saïd M.
Pour ce qui est positif, je citerais le civisme et le savoir-vivre de la population locale qui se manifestent d’ailleurs dans la propreté de la ville. Mais en ce qui concerne les choses à changer, je pense que la priorité demeure la création d’opportunités de travail. Parce que même ceux qui étaient sans emploi avant, pouvaient se tourner vers le commerce grâce à Bab Sebta. Mais depuis que ça a été fermé, ces personnes-là n’ont plus d’alternative. Des familles entières en souffrent. Les gens ont besoin de payer leurs factures d’eau et d’électricité, leur loyer, les frais scolaires ; il y a aussi ceux qui prennent en charge leurs parents et qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans rentrée d’argent.
Beaucoup de personnes souffrent des répercussions de cette situation au niveau psychologique. Ceci fait augmenter les crises sociales et cause aussi de graves dégâts familiaux…
A Tétouan, nous avons également un vrai problème de transport, en particulier l’été. On oublie même que nous avons des plages à proximité parce que nous ne trouvons tout simplement ni taxi ni bus pour y aller. Les gens viennent de tout le Maroc pour en profiter, mais nous, en l’absence d’une voiture, on ne peut pas s’y rendre.
En ce qui concerne la santé, je voudrais signaler que les pauvres souffrent de ce côté-là et la carte Ramed reste insuffisante. Je ne voudrais pas nier tous les efforts fournis par le corps médical, mais parfois on constate un manque de considération de leur part . Des fois, il y a des patients qui souffrent et qui font de la peine alors que le médecin qui doit les prendre en charge ne leur accorde pas toute l’attention et la prévenance qu’il faut.
Sinon, il y a aussi la qualité de l’enseignement qui ne cesse de baisser. Et si on n’améliore pas le niveau des enseignants recrutés, ça ne fera qu’empirer. Par le passé, les professeurs étaient irréprochables. Ils ne nous faisaient quitter la classe que lorsqu’ils étaient sûrs que nous avions tout assimilé. Maintenant il est nécessaire de se tourner vers les heures supplémentaires que l’on soit à l’école publique ou privée et je pense qu’il faut régulariser ça. C’est tout pour moi et je prie Dieu pour que nous ayons des responsables qui sachent prendre soin de la ville et de ses habitants.
La Colombe Blanche a réservé un accueil exceptionnel à la caravane 100 Villes, 100 Jours. Plus d’un millier de personnes étaient présentes pour partager leur vision de la ville, mais aussi leurs craintes et leurs espoirs. Loin de profiter pleinement de son patrimoine historique sans pareil, Tétouan, l’andalouse, vit des jours difficiles.
Au premier rang des préoccupations, le manque d’opportunités professionnelles désespère les habitants. Les conséquences sont parfois désastreuses : précarité et émigration clandestine ont été relayées par les participants. Les fermetures d’usines et de Bab Sebta compliquent la situation et augmentent le taux de chômage, notamment chez les jeunes. De nombreux ménages voient leur pouvoir d’achat diminuer sans réelles perspectives d’avenir.
Pourtant, tous ont conscience que leur ville pourrait mieux faire. Avec son emplacement géographique et son incroyable richesse culturelle, Tétouan possède des atouts touristiques hors-norme. Sa médina, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, son artisanat, avec la peinture sur bois “zouak”, ou encore la musique arabo-andalouse “el ala”. Mais son relatif isolement géographique la prive d’un développement économique ambitieux. En effet, à l’exception d’une autoroute d’une quinzaine de kilomètres qui relie Tétouan à Fnideq, la ville n’est pas rattachée au reste du réseau autoroutier, ni au réseau ferroviaire, et son aéroport est trop peu desservi.
Autre domaine préoccupant, la santé est source d’angoisse pour les Tétouanaises et Tétouanais. En manque d’équipements et de personnel soignant, les établissements de la ville semblent dépassés. Symbole de cette insuffisance, la faible capacité de la maternité à l’hôpital Saniat Rmel place les femmes et les nouveau-nés dans une situation de précarité inacceptable. Même constat pour les bénéficiaires du Ramed et les plus démunis, livrés à eux-mêmes face à l’insuffisance des soins et à la cherté des médicaments.
Enfin, le secteur de l’éducation est également cité comme problématique. A Tétouan, le décrochage scolaire est fréquent et rien ne semble pouvoir l’enrayer. Au contraire, la présence de nombreux jeunes diplômés en recherche d’emploi incite les élèves à déserter l’école.
Si la jeunesse tétouanaise rêve souvent d’un avenir par-delà la Méditerranée, l’attachement des habitants à la ville est bien réel et tous veulent croire en des jours meilleurs.